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« La récidive des délinquants sexuels »

Compte rendu de la rencontre débat organisée le lundi 29 novembre 2010 au siège de l’UMP du Bas-Rhin.

« La récidive des délinquants sexuels »

par le Docteur Alexandre BARATTA,
Praticien hospitalier,
Unité des Malades Difficiles de Sarreguemines


La récidive des délinquants sexuels est souvent présentée dans les médias comme un événement rare et exceptionnel.
En 2010 par exemple, Martine Lebrun, Présidente de l’Association Nationale des Juges d’Application des Peines, parle d’un taux de récidive de 1.6 %. Ce chiffre est largement repris dans la Presse et dans l’opinion publique.

Or, le Docteur Baratta nous fera la démonstration que ce taux ne correspond absolument pas à la réalité, et que la récidive est, en réalité, beaucoup plus répandue, et ce, pour différentes raisons.

• Tout d’abord, il faut savoir que seuls les viols (relevant de la Cour d’Assises – 30 ans de prison) sont comptabilisés dans les chiffres de la récidive.
Les délits sexuels (agression sexuelle, corruption de mineur, pédopornographie, qui relèvent des Tribunaux correctionnels et qui sont condamnables à 10 ans de prison maximum) ne le sont pas et échappent donc largement aux statistiques. Or ce sont des faits graves et d’une extrême violence.

• Les délits sont effacés des casiers judiciaires tous les 10 ans.

• Les dossiers ne sont pas informatisés, ce qui conduit à une perte potentielle d’information importante.

• Les règles sur la récidive légale (articles 132-8 et 132-9 du code pénal) indiquent clairement qu’il n’y a pas de récidive au sens juridique du terme lorsqu’un crime de viol (passible de la Cour d’Assises) succède à un simple délit d’agression sexuelle passible d’une peine inférieure à 10 ans (relevant du Tribunal Correctionnel).

En France, d’après certains chiffres, 85% des viols commis n’aboutiraient pas à une condamnation. Certains sont requalifiés en délit, parfois les agresseurs ne sont pas retrouvés, enfin, les victimes ne portent pas systématiquement plainte.
A noter également que des études internationales indiquent que la récidive des délinquants sexuels serait de 13.4 % à 5 ans et de 24 % à 10 ans. On est loin des 1.6%, sans précision de durée !

De manière générale, certains facteurs conduisent à une augmentation de la récidive : la consommation d’alcool et de stupéfiants.

Des études ont montré qu’en fonction du profil de l’agresseur, la récidive était plus ou moins probable, d’un point de vue statistique. Cela étant, quelle que soit la moyenne, le risque nul n’existe pas !
Par exemple, les pères incestueux ont un taux de récidive qui est plus faible que celui des pédophiles extra-familiaux. Cela n’empêche pas certains pères incestueux de récidiver sur leurs enfants ou, 30 ans plus tard, sur leurs petits-enfants.

La question clé qui se pose devant ces faits est celle de l’efficacité des traitements.

Le traitement des récidivistes sexuels est régi par la Loi du 19 juin 1998 qui introduit l’injonction de soins.
La notion de médecin coordonateur est créée, il doit faire le lien entre le Juge d’application des peines et le thérapeute. Cette loi conduit à l’obligation de suivre une thérapie, mais pas à l’obligation de prendre un médicament.

Or les études montrent que les psychothérapies non spécifiques (pratiquées en France) n’ont aucun impact sur la récidive.
Les psychothérapies spécifiques pour leur part, provoquent une réduction significative de la récidive, mais elles ne sont pas pratiquées en France.

Quant à la castration chimique (deux traitements existent), elle réduit significativement la récidive.
Il faut néanmoins souligner qu’elle réduit la libido, mais qu’elle ne modifie pas l’orientation sexuelle déviante.
Et surtout, il faut retenir qu’à l’arrêt du traitement, les effets sont complètement réversibles.
En France, les médecins sont globalement opposés à la castration chimique au nom d’une atteinte à la dignité humaine. De surcroît, ils ne sont pas formés à prendre en charge des délinquants sexuels.

Là encore, sans oublier que le risque zéro n’existe pas, il faut reconnaître que le traitement le plus efficace repose sur une combinaison : castration chimique avec traitement comportemental.

Pour conclure, le Docteur Baratta présente les résultats d’une étude menée en Alsace et en Lorraine en 2010.
Elle montre que :

• les traitements prescrits ne sont pas adaptés,
• les traitements les plus efficaces ne sont pas prescrits en raison d’un manque de formation des professionnels
• ces mesures servent uniquement à rassurer faussement les autorités judiciaires.

De nouveaux progrès ont réalisés avec la Loi du 25 février 2008 qui introduit la rétention de sureté, mais ils sont insuffisants. En effet, cette mesure ne concerne que les détenus condamnés à 15 ans ou plus de rétention criminelle. Il faudrait faire baisser ce seuil à 10 ans.

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Pour en savoir plus sur la récidive des délinquants sexuels :
La présentation intégrale du Dr Baratta projetée lors de la réunion  :

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Anne SANDER, Secrétaire Départementale Adjointe chargée de la réflexion et des débats

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