Discours du Premier ministre prononcé à l’occasion de la cérémonie d’hommage solennel à Adrien Zeller
Avec le décès d’Adrien Zeller, l’Alsace perd l’une de ses personnalités politiques parmi les plus attachantes et les plus estimées.
Elle est aujourd’hui en deuil, et je suis, parmi vous, pour exprimer la solidarité du Gouvernement.
J’ai connu Adrien, et je mesure combien sa disparition est déchirante pour tous ceux qui l’ont aimé et côtoyé. Que sa famille et ses proches puissent trouver dans l’hommage ému que nous lui consacrons aujourd’hui, une part de réconfort.
Ministres, parlementaires, élus de droite ou de gauche, simples citoyens, les témoignages d’affection n’ont pas cessé d’affluer depuis quelques jours.
Cet élan unanime est le signe que notre République est touchée par une émotion sincère. Bien au-delà de ses murs, beaucoup de Français sentent que le silence de la mort est venu couvrir une voix noble et généreuse.
Maire de Saverne pendant près de 20 ans, conseiller général, parlementaire européen, député de 1973 à 1997, Ministre, Président de région, la voix d’Adrien Zeller était celle d’un élu passionné et atypique qui n’eu de cesse de servir l’Alsace, la France et l’Europe.
C’était la voix d’un homme libre, repoussant le confort des convenances et bousculant les conservatismes.
C’était la voix d’un homme intègre dont la franchise ignorait les faux semblants qui hantent parfois la vie publique.
C’était la voix d’un rhénan dont la fierté régionale éclairait le service de la nation et le combat pour une Europe fraternelle. Une Europe qu’il n’imaginait pas autrement que soudée et entraînée par l’amitié franco-allemande.
Fidèle à ses convictions centristes, Adrien Zeller ne fut pourtant jamais l’homme d’un parti, si ce n’est le parti des hommes de bien.
Cet homme d’action et de projets obéissait à sa conscience, et tous ses combats politiques portent la marque d’une indépendance de ton et d’esprit.
Il était le militant d’une démocratie équilibrée et respectueuse des différences. A l’image de cette terre Rhénane où s’entremêlent depuis plusieurs siècles les cultures et les confessions, la tolérance naturelle d’Adrien Zeller ne trouvait ses limites que devant les partis extrêmes.
Pas de complaisance pour l’intolérance: ce principe guida ses pas lorsque les circonstance politiques l’exigèrent.
Adrien Zeller croyait en l’Homme plus que dans les structures, et aux idées plus qu’aux idéologies.
Son ouverture intellectuelle ne relevait pas d’un calcul politique mais d’un état d’esprit, d’un geste du coeur !
C’était sa manière de servir et d’agir pour les autres et avec les autres. En cela, il honorait la part de lumière qui existe en chaque individu.
Au nom de cet humanisme, Adrien Zeller ne dissociait pas le progrès économique du progrès social.
Devant les dérives actuelles d’un capitalisme financier sans repères et sans éthique, comment ne pas distinguer une pensée qui se refusait de voir notre monde dépossédé de ses valeurs les plus essentielles ?
Comment ne pas discerner dans l’engagement local d’Adrien Zeller, cette volonté farouche de servir l’Homme au plus près du citoyen.
En 1986, nommé auprès de Philippe Séguin secrétaire d’Etat chargé de la Sécurité sociale dans le Gouvernement de Jacques Chirac, il imagine un revenu minimum d’existence qu’il expérimentait alors dans sa commune de Saverne.
Ce dispositif ne verra pas le jour, mais il préfigura le Revenu Minimum d’Insertion.
Le sort de la condition humaine parcourait l’engagement d’Adrien Zeller.
« On peut -écrivait André Malraux- fabriquer des trains, des voitures, des fusées, mais la question centrale demeure la suivante: quel type d’homme on y met dedans ? ».
Il me semble qu’Adrien Zeller n’a jamais cessé d’agir sous le sceau de cette interrogation fondamentale.
Méfiant à l’égard du centralisme étatique, il fut l’avocat inlassable d’une régionalisation ambitieuse.
Son choix en faveur d’une profonde décentralisation répondait à sa volonté farouche d’offrir à l’Alsace la plénitude de son rayonnement.
Sous son impulsion, votre région prit un essor spectaculaire. Aménagement du territoire, infrastructures, innovation scientifique, culture: c’est un véritable projet de développement qu’Adrien Zeller impulsa.
« Je ne suis pas l’homme des ruses, des habiletés, des stratagèmes. Je veux être jugé sur la réalité de mon action », disait-il.
La réalité de son action, nous la discernons dans le visage de cette Alsace moderne et solidaire qu’il appelait de ses vœux.
Mais l’amour de cette terre, aussi intense fut–il, ne résumait pas à lui seul sa vision décentralisatrice.
Il y avait aussi en lui la conviction que notre génie national repose sur la diversité de nos racines et de nos provinces.
Dans la force de nos attaches locales, il voyait les sources de notre unité nationale.
La plus belle façon d’honorer la mémoire des morts est de penser et d’agir comme s’ils étaient encore parmi nous.
La disparition d’Adrien Zeller nous somme d’agir avec passion et tolérance pour le bien public.
Elle vous appelle à poursuivre son engagement résolu pour l’Alsace.
Elle nous impose de poursuivre son rêve d’une Europe plus unie et plus décidée.
Elle nous invite aussi, élus et dirigeants, à un comportement digne. Nous ne sommes ni des vedettes, ni des stars, mais des élus au service de notre pays et de nos concitoyens.
Pour tout dire, il nous revient d’agir pour la République comme Adrien Zeller le fit avec générosité et intégrité.
Nous serons alors, mesdames et messieurs, fidèles à son souvenir.
François FILLON, 1er Ministre
27 août 2009